LES TOILETTES DU MALADE EN INSTITUTION, QUELLES ÉVOLUTIONS ?
D'après les articles parus dans le Revue de L'aide Soignante, numéros 9 et 11, d'octobre et décembre 1996. Communication au congrès national de l'ANFAS 1996. Communication au congrès du Géracfas de la Roche sur Yon 1999., de Chalons sur Saône, 2002.
Plan
- Introduction
- Les objectifs des toilettes
- Les différentes toilettes
- Avantages comparés
- L'évolution de l'hôpital et de la toilette : prospectives
INTRODUCTION:
- Formateurs depuis 20 ans maintenant, nous exerçons dans tous les secteurs de soin du service hospitalier public. C'est ainsi que nous avons travaillé dans plus de 350 services différents, où nous avons pris en charge plus de 17000 patients choisis parmi les plus difficiles. Nous avons travaillé dans des maisons de retraite, des longs séjours, des services de médecine neurologique, cardiologique, générale, des services de chirurgie viscérale et orthopédique, de pédiatrie, de réanimation, de bloc opératoire et d'anesthésie, (en fait dans quasiment tous les types de services de soins publics et privés existant, services de soins à domicile et psychiatriques compris).
- Dans ces formations que nous avons animées en créant "la manutention relationnelle" , avec un groupe de soignants (ash, as, infirmières, surveillantes, kinés, enseignantes, et parfois médecin chef de service), nous faisons tous les jours la toilette des patients qui présentent le plus de difficultés pour nos stagiaires. Puis nous les habillons et les levons si nécessaire. En fait, nous les prenons complètement en compte, comme le font les soignants tous les joursƒ. Nous n'excluons que les patients contagieux et les mourants, dont nous nous occupons qu'en tout petit groupe (maximum 2 ou 3 personnes), pour des raisons faciles à deviner...
- Ainsi, depuis 1980, nous sommes passés d'une approche mécaniste de la manutention à une approche humaniste. Nous nous sommes aperçus en travaillant sur le terrain, en regardant les soignant agir, que plus de 90% des gestes effectués en manutention sont inutiles, voire nuisibles à la santé du patient! Dès 1983 nous posions le concept "Vivre et Mourir Debout" en gériatrie, persuadés par l'expérience qu'en accompagnant les personnes âgés en sollicitant leur participation au gestes de leur vie, les soignants peuvent réduire le taux de grabataires de plus de moitié. La toilette devenait ainsi à nos yeux l'acte soignant principal permettant de conserver la santé des patients
Ce travail avec tant de soignants différents, dans des conditions parfois plus proches d'un roman de ZOLA que de celles de l'hôpital moderne, ainsi qu'une évaluation systématique des conditions de travail, de la réalité des actes effectués, du ressenti des patients nous permet aujourd'hui, de proposer une réorganisation de la toilette institutionnelle du patient hospitalisé.
LES OBJECTIFS DES TOILETTES
- A quoi sert une toilette? La question peut paraître saugrenue, mais il faut pourtant se la poser, et pour y répondre au mieux, nous avons analysé la vie du patient hospitalisé. Des différences importantes existent, suivant les services, au sein du même hôpital. C'est ainsi qu'une toilette complète peut sans problème durer plus de 45' en Réa, alors qu'elle excède rarement 20' en long séjour. De même, des différences énormes peuvent exister entre les hôpitaux: le ratio agents-patients peut varier de 1 à 3 pour des patients présentant des pathologies similaires. Nous avons même connu des rapports de 1 à 9....pour les mêmes malades. Malgré ces différences, nous pouvons dire qu'en moyenne, dans un service de médecine classique d'un CHG de 500 à 700 lits, le patient est en relation avec le personnel soignant 45 minutes par jour (24 H), dont de 14 à 20 minutes pour la toilette, 10 pour les soins infirmiers prescrits, un peu moins de 2 minutes pour la Kiné, le reste pour les autres soins (repas, coiffeur, etc...).
Nous pouvons donc nous rendre compte de l'importance de la toilette, qui représente le temps maximum passé en contact avec le patient.
- Rappelons aussi le rôle d'un soignant: être soignant, pour nous, c'est prendre soin d'une personne unique en essayant de l'aider à conserver sa santé, et si possible à l'améliorer. C'est aussi se montrer solidaire, c'est à dire prendre en compte d'une manière active le patient et ses problèmes.
Dans cette étude, nous ne traiterons que de la toilette du matin, la toilette principale.
La toilette pourra donc viser plusieurs objectifs, dont certains seront prioritaires en fonction du patient
1er OBJECTIF: L'hygiène et la propreté
C'est par définition, l'objectif de la toilette, souvent le seul enseigné. Or les protocoles classiques enseignés sont très peu respectés dans la réalité.
Dans un grand hôpital du sud de la France, nous avons pu constater qu'un patient dépendant sur trois, en moyenne, avait les jambes et les pieds lavés tous les jours. En moyenne, les autres ont les membres inférieurs lavés une fois par semaine! Devant ce constat désolant, il serait facile d'accuser les soignants. Pourtant nous pouvons affirmer que dans les mêmes conditions de formation et de travail, nous ferions sans doute la même chose. Ne voulant pas continuer à se voiler les yeux, dans cet hôpital, une commission de 23 personnes représentant toutes les catégories de personnel de différents services, et à laquelle participent les enseignantes et la surveillante générale, travaille à l'heure actuelle sur une refonte de l'enseignement et de l'organisation des toilettes.De même, nous savons que dans un lavage, si le savonnage permet de décoller les particules souillées de la peau, seul le rinçage permet leur évacuation. En réanimation, l'eau de la cuvette est changée en moyenne 3 fois, 2 fois en chirurgie orthopédique, souvent une seule fois dans les autres services, et parfois jamais. Comment, dans ces conditions, pouvoir rincer le patient autrement qu'avec de l'eau savonneuse ?
2ème OBJECTIF: La communication verbale
Rappelons simplement une étude que nous avons menée en long séjour (CEC 1983 à 1985), en laissant des magnétophones à déclenchement vocal dans les chambres des patients. 120 secondes de communications verbales soignant- patient par 24 heures en moyenne, certaines bandes restant vierge de tout mot, pour des patients n'extériorisant rien, ou ne paraissant rien comprendre! (Étude réalisée en respectant les normes d'éthique et de confidentialité).
Ceci est normal, car la communication humaine obéit à certaines règles. L'émetteur (ici le soignant), envoie un message verbal (par exemple bonjour), vers un recepteur, le patient. Mais en même temps, l'emetteur attend une réponse, en temps réel, pour continuer sa conversation. Ce retour s'appelle le "feed back", c'est à dire nourrir en retour.
Pour continuer une communication, il est normal, naturel d'attendre une réponse. La plupart du temps, la réponse est non verbale, c'est à dire une mimique, une simple expression de compréhension. Dans une communication entre un patient et le soignant, ces communications non-verbales représentent plus de 80% du total des communications. Si le patient est incapable d'envoyer un feed back, une réponse verbale ou non verbale, alors très rapidement la communication verbale du soignant s'arrête.
Il faut bien comprendre que personne n'y échappe. Souvent, nous formons des psychologues (spécialistes de la communication), des cadres infirmiers ou enseignants. Dès que l'on parle de communication, ils nous approuvent fermement. Mais en situation réelle de soin, lorsque qu'il s'agit de prendre en compte un patient grabataire sans communication, ils se retrouvent comme les autres. Et s'ils ne semblent pas convaincus, s'ils restent persuadés qu'ils parlent, eux, nous plaçons alors parfois un observateur silencieux au cours d'une toilette, avec comme consigne de compter les mots que l'acteur de la toilette va dire. Il est rare de dépasser 10 mots en un quart d'heure, si nous avons bien choisi le patient!
Il ne faut surtout pas culpabiliser, car ce silence est , répètons le, naturel, normal dans ces cas.
Mais comment accepter ce silence, comment supposer qu'il s'agit d'une démarche d'aide?
Si le silence est naturel, la parole elle, est professionnelle. Donc elle s'appprend, elle se travaille, elle s'entraine.
Pour cela , nous avons mis au point une méthode de communication : L'autofeedback
Dans une chanson, la musique est liée à la parole. Sifflez l'air, les paroles vous viennent en tête, dites le texte, la musique resurgit.
Dans l'acte de soin, la musique est en fait representée par les gestes des soignants.
Avec ces patients acommunicatifs, nous avons fait le choix d'entrainer nos stagiaires et nous même à décrire tous nos gestes. C'est ainsi que nous aurons des conversations de ce type: Madame, je vais vous laver le bras (prédictif). Je vous soulève le bras, c'est le bras gauche, je vous savonne le dessus de la main, la paume, je vous lave l'avant bras, je vous le lève etc (descriptif)...
Cela parait simple, cela nécessite un véritable entrainement. Si l'on rencontre souvent le prédictif, le descriptif n'est jamais réalisé naturellement. En décrivant ainsi les actes, la parole peut devenir automatique. En liant les mots aux perceptions du patient, le soignant fait aussi une véritable rééducation du schéma corporel.
En travaillant ainsi nous pouvons multiplier ce temps par 7 ou 8. Cela suffit souvent à permettre au patient de ne pas s'enfoncer dans un syndrome d'immobilisme toujours iatrogène, c'est à dire fabriqué par l'institution. (Rappelons que ce syndrome conduit le patient âgé à la grabatisation, avec blocage des articulations et plaintes continuelles ou mutisme. Il représente en fait une sorte de suicide à petit feu pour cause de malheur immense.)
Bien sur, dès que le patient est capable de réponses, ces comportements deviennent obsolètes.
Pour les patients âgés, il faut aussi s'entrainer à une communication un peu spéciale: Par exemple, donner l'ordre: "monsieur , levez le bras, svp". S'il n'y a pas de réponse, attendre 2 à 3 secondes, et répeter cet ordre comme la première fois. S'il n'y a pas de réponse, changer tous les mots: "Monsieur, mettez la main en l'air". Et ainsi de suite, et il est souvent surprenant d'obtenir des réponses avec des patients que les dossiers classent comme alzheimer en stade avancé.
- La communication non-verbale, et plus précisément le toucher: ce type de communication est sans doute le plus important. La sécurité des mobilisations, la douceur des manipulations sont indispensables au soignant comme au patient.
3ème OBJECTIF: La communication non-verbale
Pourtant se pose un double problème pour respecter ces priorités:
1° Le geste est inconscient à 98%, d'après Laborit. Comment contrôler des gestes inconscients?
2° Plus un patient est "difficile", il est agressif, souffrant, lourd, plus nos gestes seront inadaptés, violents, en totale contradiction avec ce que nous voulons être, càd des soignants. Tout ceci est bien sûr involontaire, mais répond à des lois de la physique: la force est égale à la moitié de la masse multipliée par le carré de la vitesse, ce qui revient à dire que pour augmenter votre force, la masse étant invariable, vous augmentez la vitesse. Or la vitesse est incompatible avec la douceur. La forme de toilette choisie et les techniques associées doivent donc permettre de favoriser les communications non-verbales les plus riches et les plus douces. Il nous semble maintenant indispensable de former les soignants au toucher-tendresse, voire au toucher-amour.
Dans ce toucher si particulier, la douceur tient le rôle principal. C'est pourquoi nous supprimons les saisies en pince, qui non seulement font mal, provoquent des hématomes sur les avant bras des patients âgés, et même parfois des plaies; mais aussi sont très agressives sur le plan psychologique. Avez vous déjà vu des amoureux se balader en se tenant par le poignet. Jamais. Mais chaque fois que dans votre vie quelqu'un vous a pris par le poignet, en "pince", cela été pour vous punir.
La mémoire de ces punitions liées aux saisies est profondement inscrite dans notre cerveau limbique, siège de toutes les émotions, de tous les souvenirs liés a un état corporel.
Pour un patient très dégradé sur le plan intellectuel, comme un patient Alzheimer, un dément alcoolique ou autre, qui ne peut savoir que vous vous appelé Marie, et que vous venez lui faire du bien, le laver, l'habiller, le seul langage "vrai" est le langage du toucher. Et si par malheur vous lui soulevez le bras en le saississant en pince, il risque de vous recevoir comme un agresseur.
Encore une fois, il va falloir lutter contre le geste naturel de la pince, propre de la saisie humaine. Pour combattre ces reflexes, et passer à des saisies de soutien, il faut un an au moins de corrections quotidiennes. Mais le jeu en vaut la chandelle, et les soignants qui y accèdent deviennent les plus doux, les plus demandés par les patients et leur familles.
Le toucher du soignant doit aussi solliciter l'autorisation corporelle du patient. Normalement, la conscience nous permet d'être prévenu chaque fois que l'on nous touche. Mais imaginez le bond que vous feriez, si dans la rue, un inconnu posait sans vous avertir la main sur vous. C'est pour éviter cette "surprise", que nous préconisons d'entrer sur le corps de l'autre par le bout des doigts, la paume se posant ensuite, et l'inverse pour quitter le corps du patient. Ce toucher très tendre est en lui même porteur de la douceur, et favorise le lien entre les partenaires du soin.
Là encore, il necessite un long apprentissage, afin que l'on puisse enfin reconnaitre le toucher du soignant comme un véritable geste professionnel à part entière, comme l'est celui du sulpteur, du peintre ou le geste du menuisier.
N'oublions pas que nous sommes des manuels. Et que comme tous les manuels, il faut apprendre nos outils.
Notre outil à nous , c'est la main. Il est vrai que si jusquà présent les soignants ont a appris un certain nombre d'actes, comme la toilette, le pansements ou autres, rares sont ceux qui ont recus un entrainement spécifique à l'utilisation de leur mains comme outils de la relation et du soin au patient. Logiquement, après quelques années de métier, nous devrions pouvoir dire les souffrances d'un patient uniquement en lui passant les mains dessus, avec les yeux bandés. Comme un bon menuisier reconnait une essence de bois uniquement en la touchant.
Mais surtout, que personne ne se vexe, être un manuel ne dispense pas d'avoir un cerveau, au contraire, demandez à Picasso...
4ème OBJECTIF: La réhabilitation du patient
Il s'agit ici d'investir dans le mouvement et la conscience du corps. Pour cela, nous partons de deux principes fondamentaux:
- 1° principe d'action: Nous n'avons pas le droit de faire un geste à la place d'un patient, sauf bien sur pour des raisons psychologiques, médicales ou humaines prioritaires. Tout simplement parce que le mouvement, c'est la vie. Tout ce qui vit bouge. Le mouvement est indispensable à la création et la conservation de la santé. Prenons quelques exemples:
- La formation de l'intelligence: Piaget a montré dans son explication du développement de l'intelligence que l'intelligence sensori- motrice, commune aux humains et aux animaux, utilise le mouvement comme support de développement. L'apprentissage de l'espace, de la coordination de gestes orientés, va permettre progressivement à l'enfant de structurer son cerveau en établissant tous les jours de nouvelles connexions nerveuses, et d'accéder ainsi à l'intelligence conceptuelle, caractéristique de l'homme.
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Chez le patient âgé, la conservation de l'intelligence sensori-motrice doit être aidée par le soignant au cours de la toilette. Donner un gant au patient pour qu'il se lave le visage n'est pas seulement un entraînement physique, mais aussi un moyen pour le patient de conserver la base de l'intelligence.
L'aide totale, par l'absence de mouvement orienté (les praxies), enferme le patient dans la paresse neurologique, puis la dégradation intellectuelle.
- Le système locomoteur: La calcification nécessaire à la solidité osseuse et la nutrition des cartilages dépenden de la mise en pression des os. La verticalisation, grâce à l'effet de la pesanteur, permet cette mise en pression de la majorité des os du corps. Pour les patients allongés, seule l'action des muscles au cours du geste permettra la mise en charge des articulations utile à la calcification.
De même, le mouvement est suspendu à l'action musculaire. Les sportifs savent bien les effets de la répétition des gestes sur le muscle: augmentation de la puissance par recrutement des unités motrices, diminution de l'effort pour un résultat équivalent, ajustement de la coordination des muscles effecteurs et des antagonistes. Que fait-on pour rééduquer un patient cardiaque? On le met sur un vélo! Rappelons simplement qu'une personne âgée de plus de 80 ans perd en moyenne 40% de sa force musculaire après une semaine d'immobilisation.
plaque motrice (liaison neuromotrice)
- Le système circulatoire: Il existe trois systèmes de remise en pression du sang veineux: La pompe veineuse plantaire, d'abord, qui lors de la marche chasse le sang stocké dans la voûte plantaire vers la jambe. Le massage des veines, ensuite, par l'action des contractions musculaires qui, de contractions en contractions, ramène le sang vers le coeur droit, l'action de la respiration enfin qui par l'augmentation de la pression abdominale continue le travail des deux autres systèmes.
Nous pourrions continuer ainsi longtemps sur les effets bénéfiques du mouvement (voir article sur la marche), avec la maturation et la conservation du système nerveux, le système respiratoire etc..., toute la physiologie dépendant du mouvement. La toilette est donc le moment privilégié du mouvement, surtout quand on voit le manque de Kiné dans les hôpitaux français (moins d'un Kiné pour cent malades). marche1.html
- 2°principe d'action: Si un patient ne peut faire un mouvement lui-même, le deuxième principe est alors fondamental: nous n'avons pas le droit de toucher quelqu'un sans lui dire avant, et nous devons accompagner tous nos gestes d'une description. Prenons un exemple. Monsieur X. est grabataire âgé. Le soignant lui demande: "Monsieur X., lavez vous le bras, s'il vous plaît. Si le patient ne réagit pas, la demande est répétée, deux à trois secondes plus tard. S'il n'y a toujours pas de réponse, la demande est reformulée en changeant les mots: "Monsieur X., frottez vous la main"ƒS'il n'y a toujours pas de réponse, le soignant agit alors ainsi: "Monsieur X., je vais vous lever le bras, c'est le bras gauche. Voilà, vous avez le bras tendu, je vous lave la main, le bras, l'épaule... Cette manière de procéder vise plusieurs objectifs.
Rompre le silence, d'abord. Les soignants qui travaillent ainsi deviennent de véritables professionnels de la communication avec les patients les plus dépendants.
Rééduquer le schéma corporel ensuite. L'ensemble de notre corps se projette sur le cortex, ce qui nous permet de ressentir le monde extérieur (le chaud, le froid, le toucher etc...), c'est ce que l'on appelle l'extéroceptivité, ainsi que d'avoir conscience à volonté des positions de notre corps, c'est la proprioceptivité. Il ne peut y avoir de fonctionnement sans schéma corporel. Comment voulez vous marcher si vous ne savez pas où se trouvent vos genoux, manger si vous avez perdu la notion de la position de votre bouche par rapport à votre main? L'aide à la conservation du schéma corporel apparaît donc comme le point d'orgue de l'action des soignants qui font les toilettes. C'est sans aucun doute la solution la plus efficace pour lutter contre la grabatisation des personnes âgés. Les résultats que nous avons pu obtenir dans le réveil des comateux, depuis 1983 maintenant, nous confortent dans nos certitudes que ces techniques de soins seront bientôt enseignées en Institut de Formation en Soin Infirmier et en école d'Aide Soignant.
Malheureusement, le manque de temps dont nous disposons pour les toilettes nous oblige souvent à renoncer à certains de ces objectifs. Mais l'éducation à ces comportement soignants doit nous transformer en véritables acteurs de la santé du patient. Le temps du " on fait comme on peut" nous semble révolu. Fixons-nous des objectifs prioritaires pour les toilettes en fonction des besoins des patients, et alors, même s'il faut renoncer à certaines choses, ces choix seront éclairés.
Nous avons parlé précédemment du schéma corporel, mais que penser de l'image de soi. Pouvons nous supposer un seul instant qu'un être humain puisse vivre sans un certain narcissisme? La dégradation inhérente à la maladie ne doit pas être renforcée par nos actions d'assistance.
5ème OBJECTIF: Les préventions des dégradations corporelles
Une toilette doit aussi prévenir certaines dégradations corporelles. Depuis des décennies maintenant, la prévention des escarres fait partie du rôle des soignants. Les résultats sont là: une diminution très importante du nombre des plaies, mais surtout de leur gravité.
Mais pour traiter correctement de la prévention, il nous semble qu'il faut d'abord regarder comment peut se dégrader une personne hospitalisée:
- Le patient peut avoir des escarres. Nous avons testé depuis plus de 15 ans l'impact de l'arrosage de la plaie , et mesuré le taux d'apparition d'escarres pour des personnes douchées tous les jours, par rapport à celles qui sont douchées plus rarement? Résultat : La douche prévient largement des escarres, sans doute à cause de la vasodilatation réflexe qu'elle provoque. L'indication de douche est donc une prescrition infirmière qui entre dans le cadre de la prévention des escarres.
De même, les escarres constituées bénéficient du rincage quotidien. Dans nos protocoles, nous proposons d'arroser les plaies à l'eau fraiche (26°, la température d'une piscine), une minute pour les plaies accessibles, comme celle des talons, et 2 minutes sur les plaies en cheminées, comme celles des escarres sacrée. Pas de savon sur la plaie, mais autour. Le bourgeonnent est ainsi 3 fois plus rapide qu'avec n'importe quelle autre méthode de détersion. Regardons le tableau de prévention que nous ptoposons lors de plan "zéro-escarres":
- Le patient aussi peut avoir des irritations des plis (sous-mammaires, fessiers, inguinaux). Nous avons mesuré l'impact d'une douche quotidiennne ou tous les 2 jours, suivie d'une séchage au sèche cheveux. Résultats: Disparition totale de toutes les irritations des plis! C'est simple, et cela prouve que ces irritations sont dues à un mauvais rincage et un séchage insuffisant. Il faut donc que chaque AS est son séchoir avec elle , le matin aux toilettes.
- Le patient peut se replier sur lui-même, et se retrouver en position foetale. La mobilisation systématique de toutes les articulations dans leur amplitude maximum pour les patients grabataires permet de retarder, voire d'éviter ces rétractions, suivant leur origine. Pour cela , il est nécessaire que les soignants puissent apprendre les techniques douces de mobilisation articulaires, de contrôles des muscles agonistes et antagonistes.
- Le patient peut aussi s'enfoncer dans le syndrome d'immobilisme. La toilette est LE moment de lutte contre ce syndrome, qui voit les patients se replier sur eux -mêmes, perdre l'usage de la parole , et parfois ne plus ouvrir les yeux. La lutte contre cette extrème détresse passe par une plus grande professionalisation de la toilette des patients.Nous voyons donc qu'il faut ensemble réfléchir sur ce drame.
Qui, sinon les soignants en contact avec les patients, peut pratiquer ces préventions?
Personne, à l'évidence. Si les spécialistes de la rééducation de ces problèmes existent (psychomotriciens, Kinés, psychologues, chirurgiens etc..), la prévention n'est pas assez développée dans la formation de ceux qui s'occupent du patient au quotidien.
Le rôle des AS et des infirmières est donc fondamental, et celui de la toilette déterminant.
Nous voyons donc qu'il faut ensemble réfléchir sur ce drame. Qui, sinon les soignants en contact avec les patients, peut pratiquer ces préventions?
Personne, à l'évidence. Si les spécialistes de la rééducation de ces problèmes existent (psychomotriciens, Kinés, psychologues, chirurgiens etc..), leur prévention n'a jamais été prévue dans la formation de ceux qui s'occupent du patient au quotidien.Le rôle des soignants, et des Aides Soignants en particulier, est fondamental, et celui de la toilette déterminant.
6ème OBJECTIF: Le confort du patient
La toilette, enfin doit répondre à un désir de confort du patient. Etre bien lavé, bien rasé, confortablement vêtu seront les exigences des patients de demain. Le respect de la pudeur nous semble aussi fondamental. Les chambres communes, l'absence chronique de paravent, ne répondent pas à ces besoins.
De nombreux soignants affirment que les personne âgées n'aiment pas la douche.
Nous avons donc mené une enquête auprès de patients de long séjour et de maisons de retraite, afin d'évaluer réellement leurs désirs:
Enquête auprès des personnes âgées 1000 personnes interrogées, dans 9 centres différents, en services de longs séjours, médecines et maisons de retraires médicalisées Fourchette d'âge : de 70 à 99 ans; Moyenne d'âge: 82,6 ans Trouvent la douche: - Agéable: 65 % -Désagréable: 18,1% - Indifférents à la manière d'être lavés: 16,5% Désirent: - 1 douche par semaine: 56,5% - 2 douches par semaine: 20,4% - 3 douches par semaine: 15,4% - Voudraient ne jamais être douchés: 7,4% NOUS POUVONS RETENIR QUE 92,3% DES PERSONNES INTERROGÉES DÉSIRENT AU MOINS 1 DOUCHE PAR SEMAINE! (ENQUETE CEC 1996- 1999)
7ème OBJECTIF: Le confort du soignant
Il ne faut pas oublier enfin le confort du soignant, qui nous paraît indissociable de celui du patient. Comment effectuer une toilette correcte sur un lit trop bas? Nous avons mis en évidence la relation entre qualité de soin et confort dans une étude sur les préventions d'escarre. Avec un soignant mal installé, travaillant sur un lit trop bas, en long séjour, le massage préventif dure en moyenne entre 20 et 30 secondes au lieu des 5 à 10 minutes prévues dans les protocoles enseignés. En permettant au soignant de s'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil ou sur le bord du lit, ou de mettre un genou dans le lit qui soutient la jambe à masser, la durée du massage passe à 1mn 30" sans que le soignant s'en rende compte soit de 3 à 5 fois plus. L'arrivée dans les services des lits à hauteur variable nous apparaît donc comme un facteur d'amélioration de la qualité de soin.
Le célèbre mal au dos des soignants est autant dû à des problèmes ergonomiques qu'au problème de la manutention. Les toilettes proposées doivent donc tenir compte de ce facteur de confort du soignant, si l'on veut améliorer la qualité du soin proposé au patient.
8ème OBJECTIF: L'observation et le recueil d'informations
Lors de la toilette, la relation privilégiée au patient permet souvent de recueillir des informations capitales, qui peuvent (ou doivent) être consignées dans le cahier de soin. Il est bien connu que le patient se confie plus facilement aux soignants qui lui font du bien, qu'aux autres.
Enfin , quel meilleur moment pour une infirmière pour poser un vrai diagnostic infirmier, préalable indispensable au rôle propre ? C'est pour cela que nous avons mis au point la "toilette évaluative", qui est une toilette infirmière effectuée en collaboration avec l'équipe AS, et qui permet de poser de réels objectifs de soin. Il faut dire que nous ne croyons pas au bienfondé du soin infirmier à distance (code 3615 ?).
9ème OBJECTIF: L'aspect économique
Le coût d'une toilette est composé de plusieurs facteurs et difficile à estimer précisément.Il est défini du coût de l'eau chaude, des savons, de l'achat et du lavage du linge utilisé, et de l'amortissement des équipements. Contrairement à ce que l'on pourrait penser de prime abord, nous dépensons souvent plus d'eau chaude pour une toilette au lit que pour une douche. En effet, nous devons laisser l'eau couler tout au long de la toilette, si nous la faisons sans broc ni cuvette, pour éviter les réglages de température d'eau qui occasionnent des pertes de temps impossibles à gérer dans la réalité du service.
LES DIFFÉRENTES TOILETTESPlan
Nous pouvons proposer au patient plusieurs formes de toilettes:
. La toilette au lit.
. La douche au lit
. Le chariot douche
. La toilette au lavabo
. La toilette sur verticalisateur
. La douche
. Le bain
. La toilette mixte, qui combine 2 formes de toilettesChacune de ces toilettes peut revêtir elle-même plusieurs formes en fonction des équipements, de la formation et du nombre des soignants, des capacités du patient.
C'est ainsi que l'on peut rencontrer, en simplifiant:
.Les toilettes au lit:
- avec aide totale
- avec aide partielleLa douche au lit
- avec aide totale
- avec aide partielle.Le chariot douche:
- avec aide partielle
- avec aide totale.Les toilettes au lavabo:
-debout
- mixte assis-debout
- avec participation
- sans participation.La toilette debout sur verticalisateur: -debout
- mixte assis-debout
- avec participation
- sans participation
.Les douches:
- au lit
- debout
- assis
- mixte assis-debout
- avec lève malade
- en cabine douche
- avec et sans participation
.Les bains:
- en baignoires normales
- en baignoires spéciales
.Les toilettes mixtes :
intime au lit, le reste assis au
lavabo
Dans la pratique, nous rencontrons principalement les formes de toilettes suivantes :
-les toilettes pour patients qui ne sont pas verticalisables:
-Toilette au lit: C'est la toilette de loin la plus répandue, Comme nous le disions dans l'article paru dans le numéro d'octobre, c'est encore souvent la seule enseignée, c'est à dire avec un ou des protocoles, un entraînement. A titre anecdotique, j'avais, en juin 96, une stagiaire qui me disait avoir eu au cours de sa formation d'AS 7 évaluations. Toutes les 7 portaient sur la toilette au lit. Sa formation c'était déroulée en CHU, en 1995. Ce conditionnement à un type de toilette est certainement le frein principal à l'évolution des techniques de prise en compte des patients.
Une toilette au lit, hygiène relative, inconfort des soignants, elle doit devenir exceptionnelle!
-La douche au lit: Encore très rare, la douche au lit est un fabuleux outil qui est arrivé sur le marché en 1998. Il existe un modèle pour le domicile, et tous les services de soins à domicile de la Creuse sont maintenant équipés
La douche au lit, confort et hygienne
- La toilette en Chariot douche: Très peu de services sont équipés de chariots douche. Cet outil, qui permet la douche allongé, est arrivé dans les hôpitaux français il y a une vingtaine d'années, dans les services d'urgence, où il devait normalement être utilisé pour le dégravillonnage des accidentés.
La toilette en chariot douche, une toilette à l'eau coulante, qui peut être proposée pour tous les patients grabataires, en offrant une qualité incomparable.
Sans formation, rares sont les services d'urgence qui l'ont utilisé. Par contre, son arrivée en service de long séjour à permis de remplacer le bain périodique par une douche allongé en chariot.
La généralisation du chariot douche devrait intervenir rapidement dans les années qui viennent
La période de la douche varie énormément à l'heure actuelle, de 1 fois par semaine pour les services les plus performants à 1 fois tous les 3 mois pour certains autres... Voire jamais !
- Les douches sur lève- malade, : ces dernières sont rares et trop inconfortables pour retenir notre attention, il faut les bannir, à notre avis, ou les réserver à des cas exceptionnels, comme par exemple la douche sur "araignée", où le patient "non retournable" est douché allongé sur un cadre à lanières tenu par un lève malade.
- Les bains : Le bain en baignoire traditionnelle tend à disparaître pour les patient grabataires. Les difficultés de manutention en sont sans doute un des causes principales. Souvent maintenant les bains sont réservés à des patients dont l'état nécessite une immersion longue dans des bains à visée thérapeutique (traitements de la peau).
De plus en plus de services s'équipent de baignoires modernes, souvent à hauteur variable, parfois à jets et à bulles.
Baignoire à hauteur variable. Moderne, elle s'adapte à la taille des patients (qui ne glissent plus), et à celle des soignants: Le confort est assuré.
Septique quant à l'utilisation réelle de ces baignoires, nous avons du changer d'avis: le personnel soignant les utilise avec plaisir, et les patients même très âgés apprécient très majoritairement ce type de bain. Le temps relativement long de ces bains fait que l'utilisation de ces baignoires se fait quand même de manière assez occasionnelle, les patients de long séjour bénéficiant en moyenne de moins d'un bain par mois dans les services équipés (il s'agit bien sur de moyenne, il ne faudrait surtout pas que certains lecteurs se sentent agressés par ces chiffres).
- La douche en baignoire traditionnelle : Dans certains services, en psychiatrie en particulier, les patients sont douchés allongés dans la baignoire. Là aussi, l'inconfort de ces toilettes les voue à disparaître, et c'est bien.
-les toilettes pour patients verticalisables:
Rappelons que dans les classifications CEC, un patient est dit "valide s'il est capable, aidé, de soutenir son poids. Dès qu'un patient valide est capable de tenir au moins 20 secondes, nous pourrons proposer des toilettes debout!
- les douches : En hôpital, la douche est souvent proposée à des personnes autonomes, c'est à dire se débrouillant seules, alors que la douche est un formidable outil de réhabilitation, par l'effort de verticalisation qu'elle demande. L'organisation des toilettes apparaît ainsi comme un outil de la démarche de soin, préservant au maximum une "image de soi" positive.
La poire de douche
enfermée dans un gant,
un peu de tendresse, de douceur, et les
patients sont heureux d'être propres...
Parfois, en institution, certaines équipes douchent des patients "semis- grabataires", assis sur des chaises de jardin. Une bonne "astuce" consiste à enlever l'assise et à la remplacer par un abattant de wc, ce qui permet un accès facile au siège de la personne.
- les toilettes debout au lavabo: En très grand développement depuis une dizaine d'années avec l'arrivée des concepts gérontologiques dans le soin. Elles remplacent de plus en plus la toilette au lit pour des patients semis- grabataires, favorisant une aide partielle qui oriente le soin vers la recherche de l'autonomie. Réalisée dans un espace privée, elle démédicalise le soin en institution. Le patient fait ainsi la toilette devant un miroir, et garde ainsi une identité propre, relié au temps qui passe... (A condition de prévoir des miroirs qui permettent au patient de se voir..., et non installé comme à la maison).
Sa mise en place se heurte souvent à des problèmes architecturaux. Le plus souvent, un espace restreint qui place les soignants devant des difficultés inadmissibles... et oblige à laver le patient assis.
- la toilette debout sur verticalisateur: Nous avons proposé ce type de toilette dès l'apparition sur le marché de ces appareils. De plus en plus de soignants les pratiquent, permettant ainsi de rallonger considérablement les temps de verticalisation quotidiens, et de nombreux grabataires ont été ont ainsi retrouvés la marche.
Une nouvelle forme de toilette, qui évitera de nombreuses grabatisations Nous préférons pour notre part classifier les toilettes ainsi:
Les toilettes à l'EAU COULANTE ( douches et chariot douche), et les toilettes AU GANT (les autres).
Si la relation soignant- soigné semble prioritaire, l'on peut distinguer les toilettes en public (en chambre commune) des toilettes en espace privé (salle d'eau)
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS COMPARÉS DES DIFFÉRENTES FORMES DE TOILETTES
Afin de simplifier cette étude et de la rendre lisible, nous comparerons les toilettes les plus classiques, à savoir la douche, la toilette au lit, le chariot-douche et la toilette au lavabo, sans rentrer dans les détails d'exécution. Nous n'analyserons pas le bain, le temps nécessaire à son exécution étant souvent incompatible avec une toilette quotidienne.
Il est difficile de mesurer totalement objectivement les avantages et inconvénients comparés de chaque type de toilette. Nous avons tenté pourtant de le faire, en considérant un équipement standard normal, le plus souvent rencontré: douches accessibles et permettant au personnel de ne pas se mouiller, cabinet de toilette accessible à 2 personnes + une chaise, lit de hauteur fixe standard, chariot-douche pouvant être amené contre le lit du patient pour les transferts.
Nous représenterons les avantages sous forme de tableau, chaque item étant coté de 1 à 5. Bien évidemment ce tableau n'est donné qu'à titre indicatif, le choix d'une toilette dépendant d'abord de son intérêt principal en fonction des besoins du patient. Les critères de notations sont établis à partir d'actions mesurées sur des toilettes filmées, sur des interrogatoires de patients et de soignants, et enfin sur notre expérience propre (plus de 10000 toilettes effectuées ) .
Chariot douche Douche Lavabo Toilette au lit Douche au lit Hygiène
5
4
3
1
4 Réhabilitation
3
5
4
1
1 Prévention
5
3
2
2
4 Communication
3
5
4
2
2 Confort patient
3
5
5
5
5 Confort soignant
5
4
5
1
3 Totaux
24 26 23 12 19 Sur ce tableau, aussi critiquable soit-il, apparaît immédiatement le désintérêt de la toilette au lit par rapport aux autres toilettes. La douche au lit est uen alternative extrèmement interssante, qui allie confort et propreté. C'est la toilette idéale en service de réanimation ou de soins palliatifs
La toilette au lit est aussi à comparer à la toilette au chariot douche qui peut avantageusement la remplacer sauf sur un point: le confort pour certains patients soit très maigres, soit très gros (faible épaisseur du matelas, étroitesse du chariot ). Encore est-ce à mettre en balance avec la possibilité offerte au patient d'un shampoing quotidien, et d'une parfaite propreté.
C'est pourquoi nous proposons de ne plus faire de chariot-douche lorsque l'état d'un patient est désespéré. Par contre, les avantages d'une toilette au chariot sont immenses: Propreté parfaite, travail à hauteur, pas de techniques particulières à employer, sauf en réanimation ou dans les services d'urgences, donc pas de possibilité de déviation de protocole, communications accrues par le confort de travail. De même, les plaies et irritations des plis disparaissent complètement des services, grâce au séchage au sèche cheveux (à l'air frais sur les plaies)
Séchage de tous les plis au sèche cheveux tiède, qui entraîne la disparition des irritations des plis de la peau.
Lire le protocole d'utilisation du chariot douche en réanimation.
Après avis médical, nous proposons l'arrosage quotidien des plaies d'escarres, 2 minutes pour une escarre sacrée très profonde (à l'os, en cheminée), 1 minute pour les autres escarres. Ce type de soins donne d'excellents résultats avec un bourgeonnement très rapide. Il ne reste qu'un type de patient que nous ne pouvons à l'heure actuelle laver en chariot douche: les patients de chirurgie fixés au lit par du matériel (type extenseurs), ou présentant des pansements non protégeables. Pour ceux là, la toilette au lit reste la seule solution.
Nous avons récemment filmé le protocole de l'utilisation du chariot douche en réanimation, pour patients sous respirateur , repoussant encore les limites de l'utilisation de ce type de matériel. La formation des équipes et l'architecture sont les derniers obstacles à la généralisation de l'utilisation de ces matériels
Dès qu'un patient est verticalisable, la toilette au lit ou au chariot-douche devient inutile, voire nuisible à sa santé. (Rappelons que pour nous nous verticalisable signifie capable de tenir avec aide au moins 20 secondes debout).
Il faut alors proposer en priorité des douches, de loin la meilleure des toilettes, à condition de ne pas oublier les pieds...En fonction des équipements disponibles, une douche 1 jour sur 2, en alternance avec une toilette au lavabo, nous parait une bonne solution.
Notre analyse des toilettes nous montre que l'on doit s'orienter vers la quasi suppression de la toilette au lit.Ces propositions ne sont pas faites en l'air. Plusieurs services de médecine et de long séjour fonctionnent actuellement sur ce principe d'organisation des toilettes. Les résultats sur la santé des patients sont extraordinaires.
A Tulle , en Corrèze, le long séjour propose une douche tous les 3 jours, et en réanimation, une douche au lit un jour sur 2, à Mauvezin, dans le gers, lors de la dernière évaluation, les toilettes au lit en long séjour ne concernait que 15% des patients.
A l'hôpital de Limoux (Aude), dans le service de médecine, les toilettes au lit sont pratiquement supprimées depuis 1 an et demi maintenant. Et pourtant cet hôpital a le plus faible quota de personnel de la région Midi Pyrénées. Nous avons effectué une étude sur les 1688 toilettes effectuées au cours du premier trimestre 1996:
Nous avons mesuré l'état de la peau des patients, au niveau des plis, ainsi que la quantité et la qualité des escarres.
Le temps de prise en compte des patients a lui aussi été mesuré : t = le temps moyen de prise en compte du patient, en minutes et dixième de minute, depuis l'instant ou le soignant rentre dans la chambre jusqu'au moment où il quitte le patient lavé, habillé, et installé au fauteuil ou au lit, pour les malades qui doivent y rester.Au cours de cette étude, ont été effectués:
- 619 toilettes debout au lavabo, t= 16 mn 2
- 335 douches, t= 20'
- 274 lavabo assis, t= 13mn 2
- 403 chariot-douche, t= 18mn 6
- 57 toilettes au lit, t= 20mn 9Résultats sur la qualité de soin:
En trois mois, 2 simples rougeurs crées; 1 seule escarre superficielle crée en service et guérie rapidement, zéro irritation des plis (sous-mammaire, fessier, inguinaux)! Dans le même temps, ces soignants ont accueilli dans leur service 25 patients avec escarres venant d'autres hôpitaux. .Dans ce service très lourd, 12 patient sont décédés pendant la durée de l'étude. Depuis la réorganisation des toilettes, seul changement notable, la qualité de maintien des patients est unique.
En long séjour, où les quotas de personnel sont particulièrement faibles et la charge de travail très importante, ce projet de suppression de la toilette au lit est réalisé à Issoire (Puy de Dôme).
Et surtout croyez bien que le patient reste le centre de notre intérêt. Le respect de ses désirs nous parait fondamental. Même âgés, les patients préfèrent dans leur immense majorité être bien lavés. Comment concevoir en 1996 qu'un patient incontinent puisse être lavé au lit, avec un gant que l'on retourne pour le rinçage, et trois litres d'eau au maximum?
Si nous comparons enfin les différentes formes de toilette sur le plan du respect de la pudeur du patient, seule la toilette au lit se fait en "public", devant le patient d'à coté qui souvent "n'en perd pas une". Les autres toilettes se font dans un espace plus intime, en tête à tête avec le soignant.
Pour la petite histoire, deux anecdotes authentiques:
La première se passe à l'hôpital de Mazamet, où nous avons introduit le chariot douche en service de réanimation. Une malade handicapée physique de naissance, donc habituée des hôpitaux, a écrit au personnel pour demander l'autorisation de venir de temps en temps en service de Réa prendre un chariot douche...
La deuxième laisse songeur. Nous étions en discussion sur la préparation de ce texte et hésitions sur la classification des toilettes: toilettes à l'eau coulante, courante, toilette au gant, quand la grand-mère de nos enfants, qui est une dame d'un âge certain, intervint dans la conversation: "Vous savez, moi aussi, à l'époque, je me suis lavée au gant et à la bassine, et j'allais chercher l'eau à la fontaine..."
SOIGNANTS, N'ALLEZ PLUS CHERCHER L'EAU À LA FONTAINE.......
PROSPECTIVES: Formation,équipements, architecture,.Cette proposition de réorganisation des toilettes à l'hôpital ne pourra se faire que sous plusieurs conditions:
- L'enseignement doit se réformer pour inclure l'apprentissage de la douche, de la toilette au lavabo, et du chariot douche dans le programme des AS et des Infirmières. Former les soignants ne consiste pas à dire: "donnez un bain quand vous pouvez, ça fait du bien au patient", mais à étudier les indications, fixer les protocoles, les limites, etc... Nous formons à longueur d'année des enseignantes, et nous savons leur engagement et leur désir de changement.
Les aides soignants sont issus d'une tradition de soin où la toilette du patient, c'est la toilette au lit. Évalués pour leurs examens sur la toilette au lit, jeunes diplômés, ils arrivent dans des services où les anciens vont achever de les enfermer dans ce conditionnement: la toilette quotidienne, c'est la toilette au lit. Il faut casser ces habitudes, et ce n'est pas facile.
- L'architecture doit aussi évoluer: Il ne faut plus accepter dans les services ces salles de bains "Alibi", sans aération, avec une baignoire qui, la plupart du temps, ne sert qu'à la désinfection des matelas. Comment utiliser une baignoire qui met 10 minutes à se remplir et un quart d'heure à se vider, quand on ne dispose que de 20 minutes pour prendre totalement en compte un patient! Les salles de bains, dans l'idéal au nombre de une pour dix lits, doivent répondre à un cahier des charges précis, permettant leur réelle utilisation quotidienne. Dans tous les établissements où nous intervenons en formation, nous aidons le personnel à concevoir ces salles d'eau, et au moins, elles servent vraiment.
Il nous semble raisonnable de prévoir une salle de bains équipée par équipe de toilette.
En maison de retraite, vue la pénurie de soignants et l'évolution de la clientèle, la douche dans chaque chambre nous paraît indispensable. Sans elle, il est absolument impossible de répondre à l'évolution de la demande des résidents. Une recente enquête nous a montré que les personnes de 75 ans prennent aujourd'hui en moyenne 2 douches par semaine. Dans moins de 8 ans , c'est la population que nous accueillerons (moyenne d'âge d'entrée en maison de retraite 83,5 ans). Comment leur dire qu'il n'auront qu'une douche tous les 15 jours, voire tous les mois. Qui l'accepterait parmi nous?
Les cabinets de toilettes doivent être conçus pour permettre un accès en fauteuil roulant, voire en fauteuil gériatrique. Deux soignants doivent pouvoir y évoluer autour du patient, afin de permettre la toilette debout du patient à peine valide.
Peu de place, un miroir qui ne sert à rien, pas de tablette pour les affaires personnelles du patient... L'architecture devrait partir du projet de soin.
En fait, il ne faut plus construire seulement en fonction d'une accessibilité, mais d'abord à partir de projets de soins clairement définis. Les moyens nécessaires pour doucher 20 patients par jour ne sont pas les mêmes que pour 2 patients, même si les plans d'accès restent invariables!
L'équipement doit aussi évoluer: On compte en France entre 2000 et 3000 chariots douche. Certains CHU n'en on qu'un seul! En Suède, il y en a 1 pour 20 lits! Pourtant le coût est faible, en amortissement matériel, 1F 50 la douche!
Les douches peuvent elles aussi être aménagées à faible coût. Les modifications que nous proposons reviennent entre 300 et 2000 francs suivant les problèmes à résoudre.
Attention, nous voyons trop souvent des services refaits en supprimant les salles de bains sous prétexte qu'elles ne servent pas. C'est condamner le personnel à des années de retard sur l'évolution du soin tel qu'il nous apparaît aujourd'hui.
La toilette est la plus formidable situation de réhabilitation dans la vie d'un patient. Avant de faire de l'accompagnement du mourant, nous croyons qu'il faut faire de l'accompagnement du vivant!
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